Sensibilisation à la situation des Inuit
La galerie nomade NUNAMIT expose en divers lieux des sculptures du Grand Nord canadien, afin de sensibiliser le public à la vie des Inuit vivant sur ce territoire.
En contact avec des Européens depuis le XVIIe siècle, à qui ils ont pendant longtemps vendu des fourrures tout en pouvant encore à peu près respecter leur mode de vie et leurs croyances, les Inuit ont subi depuis les années 1940 de très rapides et très profonds bouleversements imposés par le gouvernement issu de la colonisation : sédentarisation, scolarisation, immatriculation, modification de leur organisation sociale et de leur mode de vie (ravitaillement venant du Sud, nouvelle alimentation, logements à l'occidentale, véhicules à moteur, etc.)
Actuellement équipés, vêtus, outillés, connectés "à l'occidentale" et, pour certains, voyageurs réguliers, ils tentent de sauvegarder leur culture d'origine, tout en sachant qu'ils doivent désormais composer avec une autre :
« Aujourd’hui, si nous pouvons penser comme nos ancêtres et mettre à profit ce qu’ils ont accompli pour nous et, en même temps, adopter la manière d’apprendre des Qallunaat (note : les Blancs), tout en gardant la nôtre, nous irons de l’avant. Nous devons apprendre cette nouvelle culture autant que nous le pouvons, mais nous ne devons pas oublier notre propre culture qui est importante pour nous. » 1
1 Okpik, A. (1989). « Qanuq inuuluni tukiqamangaat/What it means to be an Inuk/Ce que signifie être un Inuk », Inuktitut Magazine,
Les jeunes sont particulièrement désemparés par ce décalage; plusieurs souhaitent partir vivre au Sud (grandes villes canadiennes) et voyager. Certains parviennent à s'y faire une place; d'autres, ne s'y adaptant pas, retournent dans le Grand Nord, leur rêve détruit. Ce désir de rompre avec leurs racines les éloigne de leurs « ancêtres » qui détiennent les repères de leur culture d’origine. Les différentes générations peinent ainsi souvent à se comprendre. Il convient toutefois d'éviter les généralisations abusives ! Un certain nombre de jeunes Inuit en effet unissent leurs efforts pour valoriser leur peuple et ses valeurs premières.
Dans un autre registre,la fonte de la banquise impose aux Inuit de nouveaux défis ; d'une part, elle menace les coutumes de chasse et de pêche qu'ils ont préservées; or celles-ci sont importantes, pour des raisons identitaires et budgétaires; en effet, les vivres qui leur sont acheminées du Sud étant très onéreuses, les produits de la chasse et de la pêche assurent à beaucoup la majeure partie de leur subsistance. D'autre part, cette fonte va très probablement permettre l'ouverture dans l'Arctique d'une nouvelle voie de navigation internationale, la voie du Nord-Ouest, qui risque d'engendrer des problèmes considérables.
Enfin, au Nunavik, le Plan Nord, élaboré par le gouvernement québécois risque de modifier plus encore l'environnement et la culture des quatorze communautés inuit qu'il y a sédentarisées. Certes, cet immense projet d'exploitation des ressources minières et du développement du tourisme en Arctique est présenté sous l'angle du développement durable en faveur des communautés autochtones ; certes, le droit de parole leur a été donné dès la phase de concertation; mais les compagnies mandatées sauront-elles respecter ce peuple ? Et le tourisme ne contribuera-t-il pas davantage à perturber son mode de vie à l'équilibre déjà précaire qu'à lui assurer des revenus ?
Si ce tableau apparaît plutôt sombre, il importe de relever l'extraordinaire capacité d'adaptation du peuple inuit, qui lui a permis de préserver jusqu'à maintenant son identité malgré les bouleversements, et qui lui permet de vivre la tête de plus en plus haute, tant sur son territoire que sur la scène internationale.
Dans ce contexte, ses sculptures évoquent son histoire, ses valeurs, sa conception du monde, son savoir et son savoir-faire : ce qui fait d'une collectivité un peuple à part entière.
Certains sculpteurs représentent le mode de vie traditionnel de ce peuple (nomadisme), non par nostalgie mais afin de faire valoir la façon dont il a su vivre, avec des moyens limités, dans un univers souvent très hostile. D'autres proposent des oeuvres moins conventionnelles et beaucoup plus modernes.
Les approches, les techniques, les intentions en matière de sculpture relèvent tant de l'artisanat que d'un travail véritablement artistique; si certains sculpteurs "produisent" en effet de façon répétitive des dizaines de pièces quasiment identiques destinées aux boutiques touristiques, d'autres font preuve d'audaces techniques impressionnantes et expriment une vision du monde très personnelle, qui prend des formes toujours renouvelées. Ces sculpteurs soulèvent des questions vis-à-vis de l'avenir de leur région, voire de celui de l'humanité. Ce sont surtout ces pièces qui sont actuellement recherchées par les amateurs avertis et les collectionneurs.
Ces diverses démarches reflètent pourtant un désir commun : communiquer avec les "Qallunaat" (les non-Inuit), malgré toutes les distances.